quarta-feira, 27 de junho de 2012

LE MONDE: De que morremos ontem, de que morremos hoje


De quoi on mourait jadis, de quoi on meurt aujourd’hui


C'est une petite institution dans le monde de la recherche médicale. Influente revue américaine lancée en 1812, le New England Journal of Medicine(NEJM) fête son 200e  anniversairedepuis le début de l'année. A l'occasion de cette célébration a été publié le 21 juin un article décrivant, à partir des archives de la revue (qui, de trimestrielle à l'origine, est devenue hebdomadaire),l'évolution des maladies et des causes de mortalité en l'espace de deux siècles. Même si la Camarde est toujours au bout du chemin, on ne meurt plus aujourd'hui pour les mêmes raisons qu'autrefois – il arrive aussi que les maux incertains ou peu compris de jadis aient aujourd'hui trouvé des explications et appellations plus précises...

Ainsi, lorsque l'on consulte le document rassemblant, pour l'année 1811, les causes de la mortalité à Boston, ville où le NEJM a été créé, on retrouve certes dans les entrées des maladies bien connues, comme le cancer (5 morts sur 942), la diarrhée (15), la syphilis (12), la variole (2) ou le choléra (6). Mais les causes de décès les plus importantes, par le nombre de personnes impliquées, sont nettement plus floues, comme la fameuse "consomption" (221 morts) dont on retrouve plusieurs victimes dans les romans du XIXe siècle et qui recouvre essentiellement la tuberculose pulmonaire, ou bien les fièvres diverses et variées (116) parmi lesquels on compte le typhus. Les accouchements et leurs suites sont dangereux puisque, entre les enfants morts-nés, les fièvres puerpérales qui emportent les mères, les infections diverses auxquelles ne survivent pas les bébés et les "poussées dentaires" fatales, 135 décès leur sont imputables. On peut sans doute dénicher les accidents vasculaires cérébraux sous le vocable d'"apoplexie" (13) mais il est plus compliqué de deviner ce que recouvrent exactement les entrées "convulsions" (36), "faiblesse" (28), "déclin" (20), "mort subite" (25) ou "mortification" (10).

On trouve aussi dans cette liste quelques curiosités, comme un foudroyé, deux trépassés des suites de "crampes d'estomac" et deux personnes qui ont péri pour avoir bu... de l'eau froide. Même s'il se veut le plus sérieux possible, le NEJM est le reflet de son époque et de ses croyances. On peut ainsi lire, en 1812, le compte-rendu d'un article publié par un concurrent (l'Edinburgh Medical and Surgical Journal), où sont décrits les effets dévastateurs causés par le vent d'un boulet de canon : citons "les vêtements dont les boutons et les épaulettes sont arrachés, ce qui produit une lividité étendue sur la partie du corps près de laquelle le boulet est passé, une cécité subite ou graduelle, des os fracturés en un millier de morceaux sans même que la peau soit déchirée". Toujours lors de sa première année d'existence, le New England parle du phénomène des "combustions spontanées dans les manufactures", qui sont pour l'essentiel des explosions de poussières ou des incendies dus à des produits inflammables. L'article s'achève néanmoins en citant l'exemple de "combustions spontanées chez les buveurs de brandy et plus spécialement chez les femmes". Mais la prudence scientifique est brandie dans la phrase suivante puisque la revue incite ses lecteurs à "attendre de meilleures preuves que celles que nous avons vues jusqu'à présent, avant de donner crédit à ces comptes-rendus, même s'ils proviennent de sociétés savantes"...
Bien des maladies mortelles de 1812 ne le sont plus aujourd'hui. On se soigne mieux, on vit plus vieux et cela a fait remonter dans le classement des causes de la mortalité des pathologies qui se traînaient en queue de peloton. Ainsi, si l'on reprend les deux maladies qui font dorénavant la course en tête dans un pays comme la France, à savoir le cancer et les maladies cardio-vasculaires, celles-ci étaient quasiment absentes à Boston en 1811. Il est d'ailleurs frappant de noter que les maladies infectieuses, naguère les plus grandes remplisseuses de cimetières, n'arrivent qu'en sixième place (grippe et pneumonies, derrière le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les accidents, la maladie d'Alzheimer et le diabète). Précisons toutefois que, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans les pays les plus pauvres de la planète, bactéries et virus sont toujours à la fête, comme dans la Nouvelle-Angleterre du début du XIXe siècle. Dans ces pays-là, les trois premières places du podium sont occupées par des maladies infectieuses : infections pulmonaires, diarrhées, sida. Le paludisme y est cinquième et la tuberculose septième. En deux siècles, la médecine a fait d'énormes progrès. Encore faut-il y avoir accès.
Pierre Barthélémy (@PasseurSciences sur Twitter)

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