En Belgique, un parti marxiste-léniniste bouscule le jeu politique
C'est un phénomène spectaculaire à mettre encore au crédit des politiques d'austérité en Europe. En Belgique, le Parti du Travail belge (PTB) fait une percée spectaculaire dans les sondages. Selon une des dernières enquêtes d'opinion, ce parti qui se revendique encore clairement marxiste-léniniste obtiendrait 8,1 % des intentions de vote en Wallonie aux élections fédérales et européennes qui auront lieu le 25 mai prochain, 7,4 % à Bruxelles et même 4,1 % dans la très conservatrice Flandre. Lors des dernières élections législatives, le PTB n'avait récolté qu'un peu plus d'1 % des voix…
Le rejet de la pratique des « grandes coalitions »
Pour Pascal Delwit, politologue et professeur de sciences politique à l'Université Libre de Bruxelles, ce phénomène s'explique par plusieurs circonstances. D'abord, la pratique du consensus outre-Quiévrain. « Tous les grands partis, à l'exception des écologistes néerlandophones et de l'extrême-droite flamande du Vlaams Belang sont représentés dans les exécutifs fédéraux ou régionaux », explique-t-il. Du coup, lorsque les citoyens cherchent un vote sanction, ils se tournent « à la périphérie. » Du reste, cette progression du PTB s'accompagne aussi d'une progression des populistes de droite du Parti populaire (PP) en Wallonie et à Bruxelles, où il pourrait atteindre 5 % des voix.
Une austérité limitée, mais qui se fait sentir dans les couches populaires
La Belgique, malgré son taux d'endettement important (il vient de passer les 100 % du PIB) et son chaos politique qui a duré deux ans de 2010 à 2012, a limité les dégâts durant la crise. Certes, la croissance a été faible, 0,2 % en 2013 après -0,1 % en 2012, mais ce sont des chiffres qui ne sont pas très différents de ceux de la France ou de l'Allemagne. Cette résistance s'explique en grande partie par le maintien de l'échelle mobile des salaires qui a permis de maintenir le pouvoir d'achat des ménages, explique Etienne de Callataÿ, économiste à la banque Degroof, même si un certain nombre de mesures ont fragilisé les classes les plus pauvres. Surtout, beaucoup craignent de nouvelles « réformes structurelles » et notamment la fin de cette échelle mobile. Une fin, selon Etienne de Callataÿ, « nécessaire pour améliorer la compétitivité du pays. »
« Les électeurs sont partagés entre une certaine reconnaissance envers le gouvernement pour avoir su éviter les conséquences dramatiques de la crise et une certaine angoisse car le gouvernement a fait des économies de grande ampleur, notamment dans le cadre de l'assurance chômage », décrit Pascal Delwit. Une partie de la colère peut se cristalliser dans le vote PTB.
Le PTB, ovni de la gauche européenne
Pourquoi ce parti ? La Belgique a une faible tradition marxiste. Le Parti communiste belge (PCB) a disparu du parlement en 1985 et, malgré une certaine implantation dans les régions de Liège et du Hainaut, il n'a jamais dépassé les 5 % des voix au niveau national après 1949. Le PTB a certes repris des positions dans les anciens bastions communistes, mais il va plus loin aujourd'hui. Mais quel est ce parti ?
« Le PTB est un parti assez singulier dans la gauche radicale européenne, car il n'appartient ni à la tradition communiste, ni à la tradition trotskyste », remarque Pascal Delwit. C'est un parti d'obédience maoïste, comme il en a existé un peu partout en Europe dans les années 1960 et 1970. Mais le PTB a survécu aux années 1980 et 1990, quoique de façon confidentielle. En 2008, il a opéré un tournant important. « Tout en conservant son héritage marxiste-léniniste, il s'est converti à la communication moderne », indique Pascal Delwit. Il a su ainsi devenir un parti attractif et très professionnel. Le président du PTB, l'Anversois Peter Mertens s'est révélé un « vrai leader », selon Pascal Delwit. Son ouvrage,Comment osent-ils ?, s'est vendu à plus de 30.000 exemplaires en Flandre et lui a offert une visibilité médiatique. Mais le PTB a accompagné ce travail de communication d'un vrai travail sur le terrain, notamment par la mise en place de maisons médicales. Progressivement, le PTB est devenu une option pour toute une partie de la population belge.
Inquiétude du PS wallon
Le Parti socialiste wallon du premier ministre Elio di Rupo s'est montré très inquiet de la montée du PTB. Mercredi soir, il a prévenu que « toutes les voix qui manqueraient au PS renforceraient l'option d'un gouvernement de droite et le recours à l'austérité. » Pour Pascal Delwit, la bataille entre le PS et le PTB va être intense et il parle de « corps-à-corps » entre les militants des deux partis en fin de campagne. « Dans la dernière ligne droite, le PS va investir le terrain et les personnalités socialistes sont populaires en Wallonie », ajoute-t-il. L'argument des Socialistes pourrait porter car si le parti autonomiste flamand N-VA accepte de s'allier à la droite traditionnelle libérale et chrétienne-démocrate (en mettant en attente ses exigences institutionnelles), un gouvernement des droites n'est pas à exclure. « Il est encore très difficile de dire si la cristallisation du vote profitera au PS ou au PTB », conclut le politologue.
Une chose semble certaine cependant : le parlement européen pourrait bien compter un élu PTB le 25 mai et désormais les maoïstes belges vont peser dans la politique du royaume.
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