Nicolas Sarkozy a perdu le vote gay
Une des grandes erreurs commises par Nicolas Sarkozy, et qui a certainement contribué à sa chute, est d'avoir sous-estimé l'importance du vote gay. Nous représentons, selon les estimations les plus probables, de 5 % à 10 % de la population. Or, qu'avons-nous entendu dans le discours de Marseille du dimanche 19 février, au sujet du mariage pour les couples homosexuels ? " Quand on aime la France, on ne fragilise pas les institutions qui forment la trame de notre vie sociale. La famille, le mariage font partie de ces institutions. (...) Nous ne voulons pas que l'on sacrifie notre identité à la mode du moment !"
Première bévue : la revendication du mariage pour tous n'est pas une mode du moment, mais une aspiration ancienne et profonde, comme l'ont été en leur temps le divorce, la contraception ou l'avortement. Seconde bévue, bien plus grave pour le candidat : les gays se sont vus désignés comme n'aimant pas la France, donc comme de mauvais Français. Aucun de nous n'a supporté ce rejet odieux et stupide, dont l'accent raciste a un relent délétère.
La volonté de se marier des gays est fondée sur le désir d'abolir les dernières discriminations. Pourquoi deux êtres de même sexe n'auraient-ils pas les mêmes droits que ceux de sexe différent ? Les seuls critères doivent être l'amour, la décision de s'engager. C'est la même chose pour l'homoparentalité. L'instinct paternel ou maternel est absolument distinct du désir sexuel. Un homme et une femme qui se tapent dessus et tapent sur leur enfant auraient pleinement le droit d'être parents, alors que deux hommes qui s'aiment ou deux femmes qui s'aiment et entoureraient de leur affection l'enfant adopté seraient interdits de parenté ? L'absurdité saute aux yeux.
Que ceux qui s'opposent au mariage pour tous et à l'adoption homoparentale songent aux dizaines de bébés orphelins ou abandonnés dans de si nombreux pays et condamnés au mouroir : ne veulent-ils pas leur donner une chance d'être recueillis par une famille ? Qu'ils songent aussi que des pays hypercatholiques comme l'Espagne, le Portugal ou l'Argentine ont autorisé le mariage pour tous bien avant qu'il n'ait été déclaré "juste" par le président américain, Barack Obama.
Qu'ils réfléchissent surtout à ceci, puisqu'ils viennent en majorité de la droite conservatrice. Le mariage, l'engagement par le mariage sont des gages de fidélité, donc un moyen de renforcer la cohésion sociale, un remède aux excès qui ont pu les choquer dans la Gay Pride.
Le mariage donne une assise au foyer, au couple. Le couple est une valeur beaucoup plus sûre, dans une société, que deux êtres livrés chacun à leur caprice du moment. Même le premier ministre britannique, David Cameron, a compris cela, en soutenant le mariage pour tous tout en étant membre du Parti conservateur.
Mais Nicolas Sarkozy, faute d'intelligence politique ou faute de coeur, ne l'a pas compris. Et voilà pourquoi près de trois millions de voix lui ont échappé.
François Hollande s'est déclaré pour le mariage gay et le droit d'adoption des couples homosexuels.
Dominique Fernandez, membre de l'Académie française
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