Le président du Guatemala veut légaliser toutes les drogues
Le président du Guatemala, Otto Perez, a lancé samedi 7 avril dans le quotidien britannique The Guardian un appel à la dépénalisation des drogues comme"alternative" pour lutter contre la violence qui déferle sur l'Amérique centrale. Partant du constat que "la consommation et la production de drogue sont toujours plus importantes" malgré des années de lutte gouvernementale, Otto Perez en appelle à "abandonner toute position idéologique - que ce soit celle de la prohibition ou de la libéralisation - et lancer un vaste dialogue international basé sur une approche pragmatique : la régulation du marché de la drogue."
L'ancien général, élu au début de l'année, affirme en effet qu'il est aujourd'hui"impossible de mettre fin au marché de la drogue, mais qu'il est certainement possible de le réguler, comme nous avons pu le faire pour l'alcool ou le tabac".
Prolongeant la comparaison, Otto Perez souligne que "le fait que les drogues sont mauvaises pour la santé n'est pas une raison suffisante pour les interdire", dans la mesure où "tout le monde sait que l'alcoolisme ou le tabagisme font plusieurs milliers de morts chaque année dans le monde", et que "personne n'a jamais proposé d'interdire les plantations de sucre de canne, de pommes de terre ou d'orge, même si elles servent à la production de rhum, de vodka et de bière."
"LÉGALISATION NE SIGNIFIERAIT PAS LIBÉRALISATION"
La proposition du président guatémaltèque, dont le pays est particulièrement touché par la violence liée au trafic de drogue, propose donc que "la consommation, la production et le trafic de drogue fassent l'objet de mesures internationales de régulation, ce qui signifie que la consommation et la production devraient être légalisés mais dans un certain cadre et sous certaines conditions"."Dans ce cas, légalisation ne signifierait pas libéralisation sans aucun contrôle"résume Otto Perez.
Otto Perez avait déjà rouvert ce débat mi-février, relayant les conclusions d'un rapport rendu public à l'été 2011, dans lequel de nombreuses personnalités (intellectuels, anciens présidents latino-américains, diplomates, etc.) affirmaient que "la lutte mondiale contre les drogues a échoué" et suggéraient de "mettre fin à la criminalisation" des consommateurs.
LA VIOLENCE ATTEINT "DES NIVEAUX ALARMANTS"
Selon Washington, 90 % de la drogue (cocaïne et marijuana principalement) à destination des Etats-Unis transite par l'Amérique centrale, par voie terrestre ou maritime. Un constat partagé par l'Office international de contrôle des stupéfiants (OICS), une agence onusienne ayant présenté son rapport annuel fin février à Vienne.
D'après l'organisation internationale, la violence atteint "des niveaux alarmants et sans précédent, aggravant ainsi la sécurité et faisant de la sous-région une des zones les plus violentes au monde". Les chiffres sont particulièrement éloquents dans la zone dite du "Triangle du nord", comprenant le Honduras (82 homicides pour 100 000 habitants en 2011, record mondial), le Salvador (65) et le Guatemala (40), selon l'ONU.
Si la proposition d'Otto Pérez a suscité un rejet immédiat des grandes puissances - Etats-Unis en tête, suivis par la Russie et la Grande-Bretagne - le Guatemala espère établir une proposition de dialogue commune avant le sommet de l'Organisation des Etats américains (OEA), les 14 et 15 avril à Carthagène, enColombie. Otto Perez affirme que les présidents de la Colombie et du Costa Ricase sont montrés intéressés par la proposition.
Le Monde
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