La gauche divisée sur la dépénalisation du cannabis
Le Monde.fr | • Mis à jour le
Par Hélène Bekmezian
La dépénalisation du cannabis n'est pas un sujet nouveau. En 1997, déjà, la ministre de l'environnement et porte-parole nationale des Verts, Dominique Voynet,avait suscité une polémique à ce propos. Mais, alors que la politique répressive sur cette drogue dite douce peine à montrer son efficacité, le sujet revient aujourd'hui dans le débat politique et met en lumière les désaccords qui existent, à gauche, sur cette question.
Mardi 5 juin, Cécile Duflot, ministre du logement et secrétaire nationale d'EuropeEcologie-Les Verts (EELV), a réveillé les tensions en rappelant la position de son parti. Répondant, au micro de RMC, à la question : "Etes-vous toujours favorable à la dépénalisation du cannabis ?", elle a affirmé que "c'est la position d'EELV", en ajoutant qu'elle "sait que ce n'est pas la position du gouvernement".
En effet, invité au "20 heures" de TF1, mercredi 6 juin, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a confirmé que la dépénalisation "n'est pas à l'ordre du jour" et que"la fermeté reste d'actualité". Prié de dire si le gouvernement envisageait de légaliser l'usage du cannabis, il a répondu : "La réponse est claire, c'est non. Ça a déjà été évoqué par le candidat Hollande pendant la campagne. Le président confirme, et je confirme."
Cependant, à la différence de la droite, la gauche n'est pas unanime Les positions des uns et des autres varient entre la légalisation pure et simple et le maintien de la législation en vigueur.
POUR UNE LÉGALISATION
Comme l'a dit Cécile Duflot, EELV a toujours été clair sur le sujet, fidèle à la position traditionnelle des Verts : il faut légaliser le cannabis - au même titre que letabac -, pour pouvoir mieux contrôler la production et la consommation et pourannihiler les trafics. "Afin d'assécher les réseaux de trafiquants, l'usage du cannabis sera légalisé et encadré, et son commerce sera réglementé", proposait ainsi Eva Joly dans son programme présidentiel.
Légaliser le cannabis permettrait même, a précisé par la suite Mme Joly, de luttercontre le trafic d'armes et serait "un premier stade qui permettrait de régler beaucoup de problèmes dans nos cités de banlieue". De plus, pour le parti écologiste, il s'agit aussi de politique de santé publique. "Il faut considérer que le cannabis, c'est comme l'alcool et le tabac, même régime", expliquait Mme Duflot mardi 5 juin.
Les écologistes ne sont pas les seuls à prôner la légalisation. Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche, proposait, lors des débats de la primaire, que le cannabis soit vendu en pharmacie.
Le député socialiste Daniel Vaillant, ancien ministre de l'intérieur et maire du 18earrondissement de Paris, prône la légalisation. "Tout se ferait dans la transparence, dans la règle comme pour le tabac et l'alcool. Pas de produits frelatés, pas d'économies souterraines et une vente à des endroits précis et contrôlés, interdite aux mineurs de moins de 16 ans. Autoriser la consommation donc, mais pénaliser la conduite à risque comme pour l'alcool", expliquait-il en 2009.
M. Vaillant a défendu cette position de nouveau, le 15 juin 2011, dans un entretien au Monde. "Plutôt que de dépénaliser, je préfère changer totalement de pied. La dépénalisation apparaît comme un droit à la consommation, comme une liberté supplémentaire. Je ne suis pas dans cette logique. La légalisation, elle, permet delutter contre le trafic", précisait-il.
POUR UNE DÉPÉNALISATION
Un cran en-dessous, certains prônent une dépénalisation du cannabis. Le commerce de cette drogue resterait illégal, mais sa consommation ne serait plus un délit, ainsi la répression ne s'exercerait-elle plus sur le consommateur, mais davantage sur les trafiquants.
C'est le point de vue du député écologiste européen, Daniel Cohn-Bendit, qui a redit, mercredi 6 juin, au micro d'Europe 1, que la dépénalisation, accompagnée d'un contrôle accru, permettrait de "casser les mafias". Tout en expliquant ne pas être certain que ce soit la bonne solution, M. Cohn-Bendit relève que "toutes les politiques de drogue, dans tous les gouvernements occidentaux, ont échoué" et que, de toute façon "les drogues existent".
La première secrétaire du PS, Martine Aubry, avait expliqué, dans un premier temps, être pour "un grand débat" sur le sujet, mais elle avait ensuite précisé sa position surle site Rue89. "Moi, je suis pour la dépénalisation, et je pense que tant qu'on n'aura pas pénalisé réellement de manière extrêmement forte ceux qui sont dans les trafics, ceux qui s'enrichissent du cannabis, il est difficile de le légaliser",avait dit celle qui était alors candidate à la primaire socialiste, le 14 septembre 2011.
POUR UNE "CONTRAVENTIONNALISATION"
Plus récemment, François Rebsamen, président du groupe socialiste du Sénat, a proposé de "contraventionnaliser" l'usage du cannabis, en expliquant qu'un tel déclassement permettrait de soulager les tribunaux et la police, submergés par ces petits délits. "Il y a 142 000 procédures de consommation de cannabis par an, cela représente des centaines de milliers d'heures de travail pour les policiers, et elles ne donnent lieu qu'à 24 000 poursuites", avait argumenté, le 18 avril, ce proche de François Hollande. M. Rebsamen a réitéré cette proposition, mardi, sur le plateau de I-Télé.
POUR UN MAINTIEN DE LA LÉGISLATION EN VIGUEUR
Enfin, il y a ceux pour qui la sévérité sur la consommation et le trafic de cannabis ne doit en aucun cas être revue à la baisse. Si le chef de l'Etat, François Hollande, avait parlé, lors de la primaire socialiste, de réunir "une commission à l'échelle de l'Europe" sur cete question, il s'est montré, ensuite, moins ouvert.
"Je ne veux pas donner le mondre signal de renoncement à une dissuasion par rapport à cette consommation de cannabis. Nous pouvons rester sur une logique pénale, y ajouter une logique de soin", avait-il expliqué le 20 avril, prenant ainsi ses distances avec les propos du maire de Dijon. "Le cannabis doit rester un interdit", avait-il ensuite réaffirmé le 26 avril, lors de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2. Jean-Marc Ayrault s'est situé dans cette logique, mardi 5 et mercredi 6 juin, prenant ainsi clairement ses distances sa ministre du logement.
En outre, Ségolène Royal s'est également dite, "pas favorable à la libéralisation du cannabis tant qu'on n'a pas prouvé qu'on a mis tous les moyens pour démanteler les réseaux" de trafiquants. Cette position est partagée par le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, qui, le 15 juin 2011, expliquait que "l'idée de légaliser le trafic de cannabis, de l'officialiser, d'en organiser la diffusion, va à l'encontre de[ses] valeurs". Le ministre du redressement industriel, Arnaud Montebourg, avait déclaré le 30 mars 2011, sur Rue89, être "opposé à toute forme de dépénalisation du cannabis".
Face à ce panorama de positions dans la gauche française, toute la droite, elle, fait bloc sur la question, se refusant à un quelconque assouplissement. Toute ? Non ! Seul un irréductible gaulliste prône un allègement de la répression. "Je ne suis pas sûr que nous soyons mûrs pour une légalisation, même pour une légalisation sous contrôle. Par contre il est temps de décriminaliser l'usage, la consommation de cannabis, et de passer à un stade contraventionnel", assurait, en juin 2011, l'ancien premier ministre Dominique de Villepin.
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